2020. 3. DE MON DEUXIEME MÉFAIT ET DE LA DÉSAPPROBATION QU’IL SUSCITA
2020. 3. DE MON DEUXIEME MÉFAIT ET DE LA DÉSAPPROBATION QU’IL SUSCITA
En 2001, lorsque j’eus accepté de faire partie du Conseil d’administration du CRILJ et que j’eus assisté à quelques séances, force me fut de constater, avec étonnement, que personne, parmi mes consœurs et confrères, venus tous de différents secteurs des métiers du livre, de la prescription en général, ne semblait avoir d’étiquette politique ou religieuse. J’eus alors l’impression d’avoir été happé par une bulle, à l’intérieur de laquelle, hors du monde et de ses partis, en apesanteur, il était de rigueur de se présenter, d’être, et de paraître, neutre, comme si, déconnecté de la politique et de la religion, personne dans ce groupe de travail n’avait de convictions personnelles.
Je connaissais bien entendu, la déontologie que prônaient, en matière de littérature pour la jeunesse, selon laquelle on ne devait, à aucun moment, parce qu’il s’agissait d’enfants et de jeunes, l’aborder sous les angles de la religion et de la politique, mais ne soupçonnais pas qu’au nom de cette déontologie, on puisse en arriver à mettre autant d’application, à s’efforcer, aussi scrupuleusement, véritable acrobatie mentale, de paraître aussi étanchement neutre que cela.
Cette neutralité ne me convenait pas. Je ne pouvais admettre qu’on soit tant préoccupé, neutralisé par soi-même, de se contraindre à masquer, alors que nous étions entre adultes majeurs et responsables, ces convictions intimes qui, d’une manière générale, nous identifient, nous définissent et nous honorent plutôt. D’autant plus que, par consentement mutuel, en conscience et bonne foi, nous venions les mettre, dans cette association d’intérêt public à but non lucratif au service du bien des enfants et des jeunes… Et que nous savions que, par cooptation des participants et participantes pour figurer dans notre Conseil d’administration, la sélection de nos membres actifs nous garantissait qu’aucun pervers polymorphe, nihiliste ou pédophile n’en seraient jamais membres…
Il me semblait, pour tout dire, que cette neutralité affectée n’avait aucune raison d’être et qu’entre personnes bien intentionnées, un jeu, cartes sur table, aurait été plus honnête et plus bénéfique pour la cause que nous entendions servir.
Le groupe que nous formions s’étant constitué par affinités électives, en connaissance plus ou moins précisément des qualités et défauts de chacun et de ses appartenances, il me semblait naturel et sain qu’en résultat de cette sélection, notre groupe soit caractérisé par une pluralité et une diversité d’opinions et je trouvais absurde qu’une fois ces opinions admises, elles soient occultées au nom d’une neutralité qui se prétendait et se voulait laïque alors qu’elle ne faisait en somme que désamorcer et juguler les principes actifs de la laïcité.
En bref je pensais qu’il me semblait nécessaire, voire indispensable, de savoir, pour chacune des propositions de projets d’animation que nous pouvions souhaiter voire adopter par le CRILJ parisien, d’où et de quelle tendance, politique ou religieuse, provenaient exactement nos suggestions d’actions. J’estimais que c’était justement par notre pluralité d’options personnelles que nous pourrions le mieux offrir de chances de satisfaire, en conformité avec les ambitions démocratiques et laïques des objectifs du CRILJ parisien, les aspirations d’un plus large lectorat d’enfants. Lectorat composé, à l’évidence, de tout le panel des catégories d’enfants faisant partie des différentes classes sociales et ethnies françaises de notre société.
En choisissant d’accepter d’entrer au CRILJ parisien, j’avais cru, pour ma part, que je serais forcément exposé à entendre des propositions qui, venant de plusieurs voies, risqueraient parfois, toutes pertinentes qu’elles puissent être, de me déplaire et parfois même d’être en totale contradiction avec celles que j’avais et que je défendais… Comment réagirais-je ?... Quelle attitude adopterais-je ?...
Je m’étais effectivement posé la question mais, à tout bien peser, après avoir envisagé que je puisse avoir, dans le groupe que nous formerions, à être confronté à des voix discordantes venant de tous les bords, je dois bien humblement reconnaître que je n’avais pas été capable d’imaginer la pire des situations, celle devant laquelle, très peu de temps après mon admission, je fus contraint de faire face. Une situation, autarcique et autoritaire, qui voulait nous imposer une seule voix, celle émanant d’un monobloc dominant que constituaient, autour d’un vieil homme de plus de quatre-vingts ans, Jean-Marie Despinette, quatre femmes : Janine Despinette, Monique Hennequin, Anne Rabany et Muriel Tiberghien, confites en dévotion
Dans cette situation-là, par des pratiques de complicité habile, pas de discorde possible entre les membres actifs puisque aucun des sujets qui fâchent ne pouvaient être abordés. Pas besoin de dessin pour comprendre. En un rien de temps vous étiez vite mis au parfum et compreniez que le CRILJ parisien se devait d’être d’un seul bord, d’une seule couleur et d’une seule tendance politique et religieuse.
Mis au pied du mur, je fus bien forcé, comme me l’avait conseillé Raoul Dubois de m’y faire, regrettant qu’il n’en soit pas autrement en invoquant certains dictons de sagesse, que « plusieurs avis valaient mieux qu’un !», ou bien qu’«il fallait de tout pour faire un monde !» …etc… par finir par comprendre que je devais me résoudre à l’idée que je me battais contre des moulins dont les ailes ne tourneraient qu’à condition que le vent vienne d’une seule direction.
En rappelant au lecteur que, selon les règlements qui régissent le fonctionnement de ces associations culturelles, ne seraient retenues de toutes les suggestions de propositions que chacun des membres pouvaient soumettre au conseil d’administration, mais pas pour cela forcément mises en applications, que celles qui obtiendraient, après délibération, la majorité des voix.
C’est volontairement que j’ai omis précédemment de mentionner, dans ces interdits qui ne devaient pas figurer dans la déontologie recommandée en littérature pour la jeunesse, une notion qui était pour moi d’importance puisqu’elle avait été la raison de mon intervention en édition : la pédagogie. Je m’étais souvent rendu compte qu’elle ne jouissait pas d’une bonne réputation dans le petit domaine réservé que constituaient l’ensemble des productions pour la jeunesse et plus particulièrement dans l’institution au prestige national qu’était la Joie par les livres.
Ne citer que son nom dans cet univers, où les bibliothécaires ont parfois tendances à se prendre pour des ayant-droit du livre, soulevait des désapprobations véhémentes et s’en recommander, comme il m’arrivait souvent de le faire, déclenchait de véritables oppositions catégoriques en fin de non-recevoir.
J’avais appris, à mes dépens, qu’avant même la politique et la religion, la pédagogie n’avait pas droit de cité dans cette déontologie angéliquement imposée au nom du bien des enfants parce qu’elle était soi-disant toujours chargée, selon une interprétation stupide mais tenace et bien ancrée dans les institutions de prescription, de toutes les suspicions les plus graves et, en référence à Célestin Freinet, comme étant exclusivement et radicalement communiste.
Raison et généralisation injustes mais tellement endoctrinées, entretenues et reconduites, notamment dans les stages et cours de formation professionnelle, que la pédagogie, dénaturalisée de sa caractéristique de “science d’éducation” avait fini par être bannie systématiquement de tous les objectifs préconisés par les institutions de prescription du livre pour les enfants et les jeunes.
Ainsi, il m'était arrivé, chaque fois que j'avais estimé, dans des communications que je faisais au cours de colloques, devoir aborder, pour définir la structure du concept qui avait présidé à la naissance d’un livre, l'angle pédagogique qui m'avait inspiré – que cette pédagogie matricielle soit actualisée, selon les couleurs du temps, moderne, active ou de conscientisation –, de percevoir et souvent d’entendre la désapprobation manifeste que les prescriptrices institutionnelles tenaient à m’exprimer en refusant, de manière agressive, de me suivre et sans vouloir comprendre.
Ceci étant dit, fortement préoccupé à ce moment de ma vie par ce que j’avais entrepris pour lancer et mettre en branle les Éditions des Lires, nouvellement créées, je dois par honnêteté préciser que ce qui pouvait se produire au CRILJ parisien ne passait qu'au second plan, pour ne pas dire en arrière-plan de mes préoccupations. Mes responsabilités m’obligeaient avant toute autre chose d’assurer la rentabilité immédiate des capitaux qui avaient été mis à ma disposition. Et, dans cet ordre d’idée, me fiant aux conseillers financiers qui m’avaient aidé à monter l’opération, j’avais fini par décider, raisonnant en chef d'entreprise et en marchand, que la meilleure manière de rentabiliser ces capitaux était de produire, le plus rapidement possible, une dizaine de livres dont, une fois mis sur le marché, les ventes ramèneraient des retours d’argent qui compenseraient celui qui avait été investi à les produire.
Aidé de mon fils, je me mis à la tâche. La moitié de ces dix livres seraient des rééditions de livres publiés aux Éditions Universitaires-Delarge ou aux Éditions de l’Amitié-Hatier qui s’étaient bien vendus et qui étaient épuisés : Voyage à Poudrenville, La courte échelle, Le Bistouri de Mlle Dar, L’irrésistible ascension d’Adèle Lapinou, Le petit cheval de feu… et, l’autre moitié, consisterait en des livres qui avaient été amorcés et mis en œuvre mais qui n’avaient pas abouti, alors que leurs concepts me semblaient toujours aussi valables presque vingt ans après.
Et, parmi ces livres en sommeil, le premier d’entre eux, celui qui me tenait le plus à cœur et qui avait été la cause de ma rupture avec les Éditions de l’Amitié-Hatier, La famille Adam, d’après une nouvelle de Michel Tournier, publiée par Gallimard dans un recueil intitulé Le Coq de bruyère avec des illustrations d'Alain Letort … Livre qui aurait dû être publié en 1980 mais qui avait été censuré par l’archevêque Vilnet, membre du Comité des sages des éditions Hatier… Livre pour lequel j’avais engagé un procès, procès que j’avais gagné… mais qui m’avait tellement découragé, que j’avais alors préféré me retirer des affaires… pour « … fuir dans un désert l’approche des humains »
En novembre 2003, promesse tenue, les dix livres furent mis en vente et, pour ma revanche sur l’archevêque Vilnet, j’avais même obtenu que La famille Adam, ainsi que les autres neuf livres fraîchement publiés soient l’objet d’une exposition en plein Saint-Germain des Prés, au 145 du Boulevard, dans la célèbre Librairie-Galerie Nicaise dont Jean-Étienne Huret et son épouse étaient les propriétaires.
La semaine suivante je crus bon de porter ces dix livres au CRILJ parisien pour qu’ils fassent partie de la bibliothèque ou figuraient déjà la plupart des livres que j’avais publiés. Et, croyant bien faire, puisque Muriel Tiberghien était directrice des Bibliothèques pour tous, je lui offris quelques-uns de ces livres nouveaux parmi lesquels La famille Adam, en imaginant, puisqu’elle était aussi analyste-critique dans le bulletin de ces bibliothèques, qu’elle saurait faire, en se référant à la version préconisée par l’Église catholique de la création de l’homme et la femme, une comparaison amusante avec la version protestante qu’en proposait Michel Tournier.
Sans présumer jamais que les personnes faisant partie du noyau agissant du CRILJ parisien pourraient désapprouver cette histoire que je trouvais savoureuse de La famille Adam, qui racontait, comme son nom le laisse présumer,en peu de mots mais avec malice, l’histoire de la genèse et de la création de l’homme et de la femme par un Dieu qui, selon la religion protestante de l’auteur et l'interprétation malicieusement singulière qu'il en faisait, n’étant ni homme ni femme, s’avérait donc être homme et femme à la fois.
Dire que cette interprétation de Michel Tournier dérangeait les doctrines catholiques enseignées est un faible mot. Le livre prévu en publication en 1980 aux Éditions Hatier-l’Amitié avait essuyé, alors que tous les contrats avaient été signés et que le livre était prêt à aller sous presse, la censure de l’archevêque Vilnet et j’avais dû intenter un procès pour être payé de mon travail. Mon procès gagné, la direction de Hatier-l’Amitié, en la personne de Bernard Foulon, par rétorsion et vengeance, avait soldé les 30 livres que j’avais publiés dans la maison, sans me rétribuer, ni honorer les droits d’auteurs et d’illustrateurs de ces livres…
Raisons qui m’obligèrent, puisque je l'avais promis à l'auteur et à l'illustrateur du livre, à reporter cette publication et à attendre plus de 20 ans pour le publier effectivement, en 2003, aux Éditions des lires.
Mon tort en cette affaire fut d’avoir pensé, puisque la justice en son tribunal, par le verdict qui fut énoncé, m’avait bien absous de toute malignité et manichéisme commercial, qu’en conclusion de toutes ces avanies dont le livre, l’auteur, l’illustrateur et moi-même avions été victimes, le texte et le contenu illustré du livre restaient exempts de tout reproche et n’étaient en rien répréhensibles. J'estimais même qu'ils n'étaient offensants pour personne.
Cette idée que Dieu pouvait être homme et femme à la fois me convenait tellement, me semblait tellement bien aller dans le sens ambiant des revendications féminines de leurs droits et contre, à l'opposé, les abus machistes qui, de toute évidence, même dans l’église catholique apostolique et romaine, persistaient encore, que je m’étais cru et me croyais toujours dans mon bon droit, sans avoir à me soucier de savoir ce que ces cinq personnes catholiques pratiquantes parmi tant d’autres pourraient en penser et en déduire.
C’est probablement ce sentiment d’être dans mon bon droit et de me sentir dégagé de toutes les interprétations qui pourraient être faites de la lecture du livre de Michel Tournier, qui fut la raison de l’animosité que me vouèrent les cinq personnes constituant ce noyau agissant du CRILJ parisien.
Il y avait eu maldonne. J’étais venu vers elles en abattant mes cartes et elles m’avaient accueilli avec des restrictions et une mentalité sectaire et ségrégative.
Par ailleurs, dans le même ordre d’idées : s’il fallait bien que je reconnaisse que je m’étais mépris sur ce que j’escomptais trouver, dans ce CRILJ parisien, je devais admettre qu’elles avaient aussi de quoi penser qu’elles s’étaient méprises sur mon compte puisque je ne leur avais pas donné ce qu’elles attendaient de moi.
De cette double méprise découlait ce silence de mort qui me déprimait et que j’aurais voulu rompre en fuyant.
Car je n’eus pas de réponse, jamais!... Ni même le moindre reproche !.. Pas le moindre écho !... Le “bouche cousue” et les “dos tournés” qu’on m’opposa, à partir de cette publication, chaque fois que j’eus l’occasion de revenir rue de Châteaudun, étaient tellement manifestes que je ne pouvais pas ne pas comprendre que toutes les personnes que j’ai citées comme faisant partie du noyau agissant du CRILJ parisien, Jean-Marie Despinette et les quatre femmes qui l’entouraient, n’avaient pas du tout apprécié, ou du moins pas comme je l’avais imaginé, c’est-à-dire comme une autre façon, amusante, de présenter aux enfants, l’histoire du commencement des temps et de la création d’Adam et Eve… et qu’on avait choisi, dans ce petit noyau bigot qui se prenait pour le haut-lieu de la bondieuserie et tabernacle de la loge pontificale, de ne s’en tenir qu’à voir, dans la version proposée par Michel Tournier, selon une lecture, au premier degré, que la contradiction, jugée insultante qu'elle apportait à la version entérinée par la Bible.
J’en déduisis que le livre avait déplu et que j'avais dû déplaire aussi. Et qu'en conséquence, ce méfait s’ajouterait à celui des allusions que j’avais faites dans mon article d’intronisation Violence silencieuse... que la cohérence entre mes propos et les livres que je publiais ne plaidait pas pour moi... Qu'on ne me pardonnait pas d'avoir affirmé que la volonté silencieuse mais péremptoire de notre culture blanche dominante faisait, inconsciemment, tort et violence à toutes les autres formes de culture moins admises et moins développées... Et qu'on pouvait encore moins admettre que j’abonde dans le sens de Michel Tournier en affirmant que Dieu était homme et femme à la fois...
Trop c'était trop!... Mon sort était réglé. J'étais felon et parjure et je serai désormais, à jamais, considéré, par ces cinq personnes, exactement comme, vingt années auparavant, monseigneur l’archevêque Vilnet m’avait catalogué, indigne de confiance ; et pire encore, comme il y avait de cela trente ans maintenant, selon le jugement de Françoise Dolto émis en 1972, nuisible et dangereux pour l’équilibre mental des enfants.
La situation qui m'était faite était tellement figée, pétrifiée, bloquée... qu’elle me paraissait dater du siècle dernier. Du temps de la Comtesse de Ségur exactement. Lorsque son fils, prêtre apologète admis à Rome, Louis-Gaston, dit Monseigneur de Ségur, auteur de La Religion enseignée aux petits enfants et de L'École sans Dieu, faisait partie du cabinet noir de censure papale et pratiquait à tour de bras, de strictes et radicales “mises à l’index” contre tous les livres – ceux de George Sand notamment, concurrente en célebrité, au titre d’auteure pour la jeunesse, de sa mère, mais aussi de Balzac, Victor Hugo, Eugène Sue, Dumas père et fils, Flaubert… – qui ne lui semblaient pas conformes à l’éthique catholique de cette fin du dix-neuvième siècle…
Au CRILJ parisien, ma fiche était bouclée. Quoique je fasse maintenant, ma réputation était faite!…
Pourtant rien ne me fut signifié. Pas un mot. L’absence de reproches directs et franchement stipulés et le mutisme qu’on me réservait, ne me permettant pas de m’expliquer et de me justifier, accentuait l’impression sinistre que j’avais d’avoir à mendier une absolution. Un véritable mur forteresse de silence s’était constitué. Mur qui m’isolait et me conseillait, pour ne plus avoir à le supporter, de mettre fin à ma participation et de quitter l’association.
Je pus alors supposer, que Jean-Marie et Janine Despinette devaient, pour s’excuser devant les autres personnes faisant partie de ce noyau agissant de m’avoir invité à faire partie du CRILJ parisien, prétendre qu'ils se mordaient les doigts de m'avoir sollicité, que mes torts étaient impardonnables, que je les avais déçus etc... etc... Mieux encore, que je les avais trahis. Que j’avais bafoué le secours que, par pure charité chrétienne, pour me réhabiliter et me tirer de ma retraite, ils m’avaient si généreusement et si gracieusement offert… Que j’étais un profiteur et un renégat, incapable de reconnaissance !...etc...etc...
Les cinq personnes offensées devaient être d’autant plus amères qu’elles étaient obligées de convenir qu’en dépit de tout ce dont elles m’accusaient et qu’elles me reprochaient, rien pourtant, légalement, ne faisait de moi, ni par ce que j’avais écrit, ni par mon acte (la publication de cette Famille Adam), un justiciable condamnable.
C’est surtout cette immunité-impunité-là qui devait les rendre furieuses. Et qui suscita en elles l’idée, par rétorsion, de marquer leur désapprobation et de m’infliger la leçon que je méritais. Mais toujours en masquant soigneusement leur réprobation haineuse et leur désir de venger l’affront que je leur avais fait sous ce silence de tombe et une indifférence pharisienne qui voulait laisser croire que tout allait pour le mieux et qu’elles n’étaient animées que de bons sentiments et de vertus exemplaires.
Quoi de plus agaçant en fait, devaient-elles penser, que d’avoir à tolérer chez soi, un faux ami qu’on a secouru et hébergé et qui s’est comporté, une fois rétabli, pour nous remercier, comme un malotru ennemi de nos valeurs ?...
J’étais impardonnable et les griefs qu’on me reprochait n’étaient en rien comparables à ceux dont on accablait ce livre maudit, cette sacrée Famille Adam qui leur paraissait être une insulte impie, sciemment proférée, contre la religion catholique et qui, en conséquence, par tous les moyens, devait être étouffé pour qu’il n’arrive jamais entre les mains des enfants.
La conclusion de tout cela se résumant forcément, dans le creuset du CRILJ parisien ulcéré, puisque la situation leur paraissait insoutenable, par des fomentations de projets d’exclusion dont j’étais la cible. Je suppose que c’est au cours de réunions secrètes, à bureau restreint, que les cinq personnes en question, érigées en tribunal de salut public, se concertèrent pour envisager de quelle manière elles pourraient le mieux, sans faire de bruit, mettre leur projet de m’éliminer de l’organisme à l’œuvre… Un projet qui ne prendrait sa réalité qu’un peu plus tard, après la mort de Raoul Dubois en décembre 2004.
Stoïque, je fis face. Démissionner aurait été avouer ma culpabilité ! Or, je n’étais pas coupable et je devais m’imposer de rester, aussi pénible que soit ma position, pour ne pas qu’on pense que je me sentais coupable !
Et je restai !