RUY-VIDAL CONCEPTEUR D'ÉDITION

RUY-VIDAL CONCEPTEUR D'ÉDITION

2017/11/15 : MME BOULAIRE, L’HÉRITIERE ILLUMINÉE DE MERE THÉRÉSA

2017/11/15 : MME BOULAIRE, L’HÉRITIERE ILLUMINÉE DE MERE THÉRÉSA

        N’hésitez pas, prenez le bateau, faites comme moi, allez sur le site de Mme Boulaire, laissez-vous entrainer dans le flot de conseils à deux sous, propres à convaincre un âne – car il s’agit bien, Mme Boulaire nous le dit en clair, de nous convaincre qu’elle doit et qu’il faut qu’elle nous apprenne, non pas à lire un album, mais à savoir lire un album...

          C’est clair, c’est net, sous forme de cours gratuits, Mme Boulaire se met en scène et on se croirait sur YouTube. Elle nous assène que pour savoir lire un album, il faut avoir des clés ; que libre arbitre, intelligence et intuition ne suffisent pas, et qu’il n’y a qu’une manière, sa manière, qui permettre de comprendre un album pour enfants. Cela en fonction du fait qu’il y a album et album, et qu’il y en a parmi eux qui ressemblent à des albums mais qui ne sont pas des albums… et puis qu’il y a «les beaux et les moches» et qu’il ne faut surtout pas se tromper car si certains d’entre eux nous paraissent moches c’est que nous n’avons pas appris à découvrir la grille de lecture avec laquelle il faut les ouvrir pour savoir en tirer «la subtantifique moelle»…

          Et puis Mme Boulaire nous parle «des albums parfaits». Oui, oui, oui, certains albums sont parfaits. Oui, parfaits! Mais on ne sait pas pour quels enfants ils sont parfaits et en raison de quelle qualité de nourriture spirituelle. Est-ce pour les bouffis du merchandising ?...les bien vêtus, les forts en classe, les surdoués, les relégués des bas quartiers ?... Mme Boulaire généralise encore et pense que ce qui est bon pour Pierre est aussi bon pour Paul, ou pour Pinocchio aux grandes oreilles, ou pour la Martine modélisée ou pour Merzoug du Sahel ou pour Latifa de Saint-Denis…

          Ce qui nous laisse présumer que d’autres albums, en vertu du raisonnement binaire généralisé de Mme Boulaire, ceux que j’ai publiés il y a cinquante ans par exemple, non seulement, ne sont pas parfaits mais sont carrément à mettre à la poubelle…

           Et, Mais, espoir insensé, qu’il se pourrait très bien que demain, et pourquoi pas, de jeunes éditeurs nous concoctent d’autres albums, d’une autre sublime catégorie, qui seront plus-que-parfaits que ceux d'Olivier Dauzou… 

        En conséquence de quoi, lecteurs n’attendez pas de Mme Boulaire qu’elle vous dise pourquoi et en quoi un album peut être utile, essentiel, indispensable à tel enfant plutôt qu’à tel autre, selon son vécu, sa sensibilité, son degré et son niveau, ses facultés et ses capacités d’appréhension…Pour elle, qui ne fait pas de quartier, ce qui est bon pour Minette est bon pour Médor, et je me demande comment elle n’a pas classé l’album de Philippe Corentin, un de mes illustrateurs préférés, l’histoire du chien qui voulait être un chat, ou vice versa, parmi les albums de “plus-que-parfaits”.

          Comme je l’ai déjà dit ailleurs, Mme Boulaire généralise. C’est son plus gros défaut mais une caractéristique qui a les faveurs de la BNF et du CLNJ. Elle généralise pour rassembler et pour rameuter autour d’elle –Mon dieu comme elle doit souffrir de solitude pour être aussi généreusement généraliste ! – le maximum de gens qui n’ont pas de tête et à qui elle pense qu’elle va pouvoir donner une conscience.

          Je la comprends tellement qu’il m’arrive de raisonner pareil et d’être aussi catégorique et aussi strictement binaire, tout comme elle fait et comme j'aurais tendance à faire si je n'étais pas aussi timoré et aussi scrupuleux démocratiquement des avis des autres. C’est vrai, c’est tellement plus simple quand on a l'esprit radical, exclusif et sectaire : ou c’est blanc ou c’est noir, ou il y a de la couleur ou il n’y en a pas, ou c’est de la littérature ou c’est de la bibine, ou c’est de l’illustration pour enfants ou c’est du faux dessin d’enfants !... Binaire, binaire, binaire !... Je ne vois que cette solution purement philosophique et terriblement scientifique, doit se dire Mme Boulaire, pour se persuader qu’elle est sur la bonne voie d'accéder aux degrés hiérarchique d'une administration pas très regardante en matière de compétences que sont la BNF et le CNLJ!

          «Binaire, binaire, vous avez dit binaire ?...»Mme Boulaire vise ainsi, car, pas bête la bête, elle calcule, à s’attacher les faveurs, sans s’embarrasser des subtilités précautionneuses de nos erreurs subjectives, de la pensée majoritaire dominante qui, on le sait, ne va jamais par quatre chemins et, par ce biais-là, mettre dans sa poche l’opinion publique qui, elle, comme on le sait aussi, fait et défait les réputations.

        Et c’est à quoi tient le plus Mme Boulaire : à sa réputation, à son égo, à sa volonté de devenir la mère Thérésa pacificatrice de l’album qui serait une ostie salvatrice, passe-partout et bon pour tous, en toute culture et en tout milieu.

        Bref, il faut s’y résoudre, Mme Boulaire est, ne peut être que…– hélas, car on s’en lamente parfois en pensant tristement aux répercussions que ses excès nuisibles pourraient induire sur le plan international dans la congrégation Joie-par-les-livres-CNLJ-BNF – …ce qu’elle est : résolument et intarissablement binaire et généralisante, ou mieux encore résolument et intarrissablement généralisante et binaire!

      Dans un soupir, s’il avait eu le malheur de la connaître, je suis sûr que Raymond Queneau aurait dit d’elle, en haussant les sourcils et les épaules : «qu’elle était faite comme ça. Et qu’étant faite comme elle était, elle ne pouvait pas changer. Que la nuance n’était pas son fort ! Qu’elle ne pouvait qu’encenser où bien flinguer et descendre ! Qu’elle onctionnait – car ça elle sait bien faire, mais seulement avec ceux et celles de son camp et quand sa notoriété en bénéficie – ou bien qu’elle flagelle !...C’est tout l’un ou tout l’autre !...C'est comme ci, ou comme ça!...» mais cela avec une candeur qui nous incite à nous demander, moi en particulier qui suis plutôt curieux de nature, de quel milieu Mme Boulaire vient, de quelle école elle est sortie, quels professeurs-sseuses l’ont formée, à quelle classe politique elle appartient…

        Même si on sait qu’elle marche, qu’elle court même, voire qu’elle galope, pour piller effrontément tout ce qui a été dit et mieux dit avant elle, mais dont elle s’approprie et qu’elle déforme et qu’elle délaye et qu'elle dispense même dans ses enseignements auprès de jeunes tourangelles afin de se faire passer pour la reine des abeilles.

       Sans m’aventurer beaucoup je pense pouvoir dire pour conclure, qu’en fonction de ce que je lis d’elle au travers de son écriture, dans son sous-texte et derrière son méta-texte, à la lumière de ses assertions catégoriques, généralisantes et binaires, que Mme Boulaire aurait toutes ses chances, si Marine le Pen devenait Présidente de la République, de devenir notre prochain Ministre de l’éducation.

                                                                 François Ruy-Vidal 15/11/2017

 



15/11/2017

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